« Idées reçues en gestion de crise » (colloque IMDR)

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Mardi dernier l’Institut pour la Maîtrise des Risques organisait un colloque plutôt original sur le sujet des « idées reçues en gestion de crise », articulé autour des préjugés suivants :

  1. « On est capable de tout maîtriser si on a tout prévu »
  2. « Si on a déjà connu la situation, on saura gérer »
  3. « La crise est nécessairement provoquée par un évènement grave, urgent ou complexe »
  4. « Pour gérer la crise, il suffit de communiquer »
  5. « Avec les meilleurs experts, on saura gérer »
  6. « Les médias et les réseaux sociaux sont toujours des ennemis en cas de crise »

Je ne résiste pas à l’idée de vous livrer quelques idées que j’en ressors et auxquelles je souscris, tout en me rendant compte que leur sélection est nécessairement incomplète et subjective, tant les interventions étaient riches et variées. Ceci dit, l’IMDR prépare la publication des actes du colloque, auxquels vous pouvez vous référer pour plus de détails.

Alors, en vrac :

  • Les experts
    • en situation de crise, leur donner un temps limité pour rendre leur décision : “quelle que soit la température idéale de cuisson de l’oeuf à la coque, il faudra quand même le manger “ ;
    • les experts doivent pouvoir répondre avec un niveau différent de précision en fonction du niveau de la demande (terrain, stratégique, …), quitte à ne pas être exhaustif/complètement exact. Ils doivent aussi pouvoir répondre sans avoir les données, ou à des questions mal posées ;
    • plutôt qu’à un consensus, aboutir à une décision partagée
      • Note personnelle : ça me semble avoir du sens : plutôt qu’un expert en chambre qui fournit des informations incompréhensibles à un décideur qui a le nez dans le guidon, pourquoi ne pas mobiliser leur intelligence collective pour aboutir à une décision que les deux peuvent assumer ensemble compte tenu du contexte, du temps limité pour prendre la décision, etc ? Mon hypothèse est que même si ça nécessite à l’expert de se “mouiller” et de produire un avis moins “pur”, la décision pourra en être meilleure car il aura fait l’effort de comprendre les contraintes du décideur.
    • le processus et les justifications d’une décision vont dépendre fortement du contexte (cuturel, environnemental, …) ; il n’y a pas de décision “rationnellement” idéale (cf choix du “suicide-squat” à Tchernobyl et à Fukushima - sur Fukushima, voir A Human and Organizational Factors Perspective on the Fukushima Nuclear Accident ;
  • Les règles et les plans
    • On peut relier chaque accident à une règle enfreinte. Faut-il pour autant renforcer les règles ? Ou plutôt renforcer le professionalisme et le relationnel ?
    • À l’extrême : “Toute procédure est une erreur en sursis” (Popper) et “le grand art, c’est de changer pendant la bataille, malheur au général qui arrive à la bataille avec un système” (Napoléon).
      • Notes personnelles : nous ne sommes pas tous des Napoléon : outils, plans et procédures sont nécessaires ne fût-ce que par la valeur du processus de planification (cf P. Lagadec), pourvu qu’ils soient raisonnables, et à condition de connaître leurs limites et de les adapter en situation. En situation de crise, chacun à son niveau aura en même temps à utiliser des outils préalablement maîtrisés par des heures de pratique, et à improviser. Pour Clausewitz, le drill est une manière de se prémunir contre la friction, et il est d’autant plus important qu’on a une fonction d’exécution [sujet sensible et intéressant à débattre].
    • C’est approprié de faire des plans pour des risques particuliers. C’est également important d’avoir conscience de ce qui n’est pas couvert par les plans, et de s’y préparer ;
    • En général on anticipe en termes de procédures et de moyens. On peut aussi choisir d’anticiper en termes d’objectifs à atteindre ;
    • À anticiper aussi : des problèmes pragmatiques (ex: puissance trop faible des moteurs de canots, matériel bloqué suite à une montée soudaine des eaux, …) peuvent grêver la réponse à la crise (Note perso: c’est la friction de Clausewitz) ;
  • Questions en gestion de crise
    • que se passe-t-il (vraiment) ? Et maintenant, que risque-t-il de se passer ?
    • de quoi est faite la crise ? Du problème “technique” ? Du manque de coordination ?
      • La crise peut être générée ou amplifiée par les aspects organisationnels y compris de ceux-là qui sont censés gérer la crise ;
      • La crise peut être amplifiée par les aspects humains (émotions) ;
      • Une crise peut être un non-évènement technique, mais malgré tout devenir une crise de communication majeure et avoir des répercussions réelles ;
      • Des éléments peuvent venir parasiter la compréhension de la crise (ex : souches d’E. Coli qui n’avaient rien à voir avec la souche de départ lors de la crise des graines germées) ;
      • Prendre de la distance (canicule de 2003) : un problème peut être tellement massif à l’échelle locale qu’il est difficile de croire que ça peut se passer ailleurs. Comme on ne sera pas crus, cela provoque un retard dans la communication ;
      • Oser se regrouper tôt en équipe sur base des signaux faibles, quitte à décider, en connaissance de cause, de ne pas traiter. Réfléchir sans complaisance à voir jusqu’où ça peut aller.
  • Gérer le chaos
    • Plutôt que de gérer le chaos : affronter le chaos, le dépasser (cf Claude Hansen). Au chaos, opposer une organisation, de la rigueur, de l’ordre, de la méthode, des moyens ;
    • Importance du courage décisionnel, du rôle du chef pour apaiser une situation quand rien n’est paisible ;
    • “Gérer, c’est mobiliser parmi les bonnes ressources, en fonction des contraintes, tout en restant dans le champ des solutions acceptables” ;
    • Intégrer la loi de la variété requise en gestion de crise ?
  • Communication : utiliser les relais crédibles dans la société.
  • La mémoire collective du risque est un facteur majeur de résilience. Si elle est présente, elle aide, si elle est absente, elle rend les opérations de prévention et de secours plus difficiles.

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